L’histoire de Djibouti est étroitement liée à celle du Canal de Suez. Après tout, l’achat d’Obock par la France aux tribus afares suit de trois ans le début des travaux de son percement et précède de sept son inauguration. L’étroit passage entre la mer Rouge et la Méditerranée est bien connu de tous ceux qui, avant l’existence de liaisons aériennes régulières, l’ont emprunté dans un sens ou dans l’autre. M. Alain Pouillart témoigne :
En 1966, sur le “Jean Laborde” des Messageries Maritimes, j’ai navigué durant neuf jours en direction de Djibouti. A Port-Saïd il fallait attendre deux jours avant de repartir à cause de l’intensité du trafic. Je me souviens de la largeur du canal à certains endroits (de 280 à 345 mètres). Je me souviens également des poissons-volants. A l’automne 1966, De Gaulle, dans une tournée mondiale, s’arrête à Djibouti. Il ne put monter sur l’estrade pour son discours, étant accueilli par des cris et des pierres. L’ère de la décolonisation avait commencé…
L’histoire du canal, toutefois, dépasse largement le cadre colonial. Bab-el-Mandeb vous recommande aujourd’hui l’exposition : “L’épopée du Canal de Suez: des pharaons au XXIe siècle“, présentée dans les locaux de l’Institut du monde arabe à Paris, pour découvrir cette “histoire pharaonique”, une “histoire au cœur du monde qui ne s’arrêtera jamais” (IMA, Guide du visiteur).
Voici ce que nous confie à son sujet M. Alain Pouillart, qui l’a découverte ces dernières semaines :
L’exposition est très dense, très riche et propose un parcours sur plusieurs salles. On y voit des costumes européens, des cartes, des dessins, des vidéos sur le canal et l’Égypte, des maquettes de bateaux… Qu’en retenir ?
D’abord les tentatives, les projets. Dès l’Antiquité, les dynasties de pharaons, puis les Vénitiens, les Ottomans s’y intéressent. Ferdinand de Lesseps et Prosper Enfantin, Saint-Simoniens, présentent à leur tour un projet à l’Égypte. Les intérêts des Français et des Britanniques divergent sur ce point stratégique de la route des Indes… Les rivalités entre ces deux pays perdureront. Après son succès, Lesseps est tellement sûr de lui qu’il voudra recommencer à percer un canal. Déroute ! L’affaire du Panama rejoindra le scandale de l’affaire Dreyfus…
Dans une salle annexe, on découvre une belle vidéo avec des discours de Nasser lors de l’annexion du canal. C’est, au final, une exposition très riche, très dense. Il faudrait encore parler des accords Sykes-Picot, des errements financiers de l’Égypte dans cette affaire et de la guerre des six jours (le canal ayant été fermé huit ans)… Mais elle est utile pour illustrer les guerres actuelles du Proche-Orient, de la Corne et d’ailleurs : cupidité, impérialisme à tous les étages, vanité, calculs politiques, rien n’a changé.
La date de clôture de l’exposition est fixée au 5 août 2018. Avis aux amateurs ! Plus d’informations concernant cet événement sont accessibles sur le site de l’Institut du monde arabe.