Découvrez ci-après la critique d’un premier roman dont l’action prend place à Djibouti-ville, disponible chez Buchet-Chastel, mais également chez Folio depuis 2017. Vous retrouverez prochainement sur votre site préféré un article dédié à son auteur.
Djibouti est un premier roman d’une rare cruauté et d’une singulière justesse quant à la nature humaine, les réalités djiboutiennes et l’institution militaire. Son auteur, le jeune polytechnicien Pierre Deram, nous emmène dès les premières pages de son ouvrage dans le décor en « carton-khat » d’un pays aride où l’espoir ne semble pas avoir sa place. En nous invitant à suivre les pas du lieutenant Markus au cours de sa dernière nuit avant son retour en France, il nous confronte tout au long de son récit à l’âpre réalité d’un territoire inhospitalier, hanté par des personnages spectraux.
L’auteur brosse d’abord le tableau d’un monde désert et statique, inscrivant en faux la présence des militaires français qui, faut-il le rappeler, ont continué de stationner à Djibouti après l’indépendance de juin 1977. Leur sentiment de déracinement et l’insidieuse perte de repères culturels, que connaissent nombre de nos troupes prépositionnées, est dépeinte au travers de la colonelle Thérèse comme une maladie incurable partagée par leurs proches. Ceux qui n’y peuvent résister se trouvent irrésistiblement attirés par le fantasme du retour à leur nature sauvage et dominés par une pulsion de mort. À travers les yeux de Markus, l’intrusion de cette brutalité autodestructrice dans le quotidien des soldats est montrée froidement et sans pudeur.
Le roman de Pierre Deram ne mériterait peut-être pas une recommandation aussi appuyée s’il n’évoquait finalement pas les liens, foncièrement équivoques, entretenus par la troupe avec les populations locales. Qu’elles soient la métaphore d’un partenariat international instable, ou le simple portrait des relations négociées et tarifées dans lesquelles peut s’engager un officier esseulé, les dernières pages de l’ouvrage donnent ainsi à ressentir la pesanteur endurée par ces soldats dont le dévouement au service de la France fait trop souvent oublier la profonde humanité. Pour cette raison en particulier, on ne peut que recommander la lecture de cet intense petit roman.
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